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ANALYSE ET COMMENTAIRES SUR LA LOI MODIFIANT LA LOI SUR LES NORMES DU TRAVAIL
I – Droit de refus de travailler – article 59.0.1 L.N.T.
Deux amendements sont à retenir.
- A) Le salarié a le droit de refuser de travailler plus de deux (2) heures au-delà de ses heures habituelles. (antérieurement quatre (4) heures)
Le législateur québécois a probablement considéré qu’un travail de quatre (4) heures en surplus d’une journée régulière de travail était trop exigeant. La limite est dorénavant déterminée à deux (2) heures supplémentaires.
Cet amendement est de nature sociale et se passe de commentaire.
- B) Lorsque le salarié n’a pas été informé cinq (5) jours à l’avance qu’il devait travailler, il a le droit de refuser de travailler.
En promulguant cette loi, le législateur écrivait sur cet amendement : «La loi réduit à deux (2) le nombre d’heures supplémentaires que le salarié est tenu d’accepter de faire, permet au salarié de refuser de travailler lorsqu’il n’a pas été informé de son horaire de travail dans un certain délai et permet, selon une condition, l’étalement des heures de travail.»
Souligné mien.
Commentaire
Cette préoccupation était, à mon avis, tout à fait compréhensible. Un salarié a le droit de connaître cinq (5) jours à l’avance son horaire de travail pour la semaine qui suit.
Par ailleurs, le texte législatif de l’amendement se lit ainsi: Un salarié peut refuser de travailler: «lorsqu’il n’a pas été informé au moins cinq (5) jours à l’avance qu’il serait requis de travailler, sauf lorsque la nature de ses fonctions exigent qu’il demeure en disponibilité, dans le cas d’un travailleur agricole ou lorsque ses services sont requis dans les limites fixées au paragraphe 1.»
On constate, à mon avis malheureusement, que le législateur n’a pas été aussi précis que lors de sa déclaration.
Ce droit du salarié de refuser de travailler, si ce dernier n’a pas été avisé au moins cinq (5) jours à l’avance, s’applique-t-il au temps supplémentaire?
Tous les employeurs requièrent régulièrement du temps supplémentaire pour finaliser une commande urgente, pour compléter un travail de dernière minute, etc.
Avec ce nouveau droit de refus, prévu assez largement par l’amendement à l’article 59.0.1 L.N.T., il est prévisible que l’interprétation dudit article est à venir dans un prochain avenir, que ce soit par le TAT ou par la Cour du Québec ou la Cour Supérieure.
Toute personne raisonnable aurait souhaité éviter ce débat.
II – Jours fériés – article 64 L.N.T.
L’amendement prévoit que, si un jour férié ne coïncide pas avec l’horaire habituel du salarié, l’employeur doit alors lui verser une indemnité compensatoire équivalente à un (1) jour de travail ou reporter ledit jour férié à une date après entente avec le salarié.
Ceci s’ajoute à la situation existante où le jour férié coïncidait avec les vacances du salarié.
À noter que sur le site de la CNESST, il est écrit : «L’employeur a la possibilité de choisir entre verser l’indemnité du jour férié ou accorder un congé compensatoire au salarié pour lequel un jour férié ne coïncide pas avec une journée normalement travaillée.»
Commentaire
Je ne partage pas cet avis. Selon moi, l’employeur n’a pas discrétion unilatérale pour payer ou reporter ledit jour.
Si l’employeur ne peut s’entendre avec le salarié une date où le jour férié serait reporté, il doit alors payer l’indemnité compensatoire.
III – Vacances – article 69 L.N.T.
- A) Trois (3) semaines de vacances après trois (3) ans de services (antérieurement après cinq (5) ans) en vigueur le 1er janvier 2019.
Commentaire
Cet amendement est de nature sociale et l’impact en est un monétaire, autant en argent qu’en temps non travaillé.
Ceci s’apprécie dépendant de la composition de la main d’œuvre chez chaque employeur.
- B) Le report (article 70 L.N.T.)
Les raisons qui permettent à un salarié de reporter à l’année suivante son congé annuel, ont été élargies en ajoutant aux raisons d’absence déjà consignées: «de violence conjugale ou de violence à caractère sexuel dont il a été victime».
IV – Absence pour cause de maladie, de don d’organes ou de tissus, d’accidents, de violence conjugale, de violence à caractère sexuel ou d’actes criminels
- A) Les causes d’absence ont été élargies en ajoutant «de violence conjugale, de violence à caractère sexuel ou d’actes criminels».
- B) La durée d’absence maximum d’au plus vingt-six (26) semaines sur une période de douze (12) mois est maintenue, sans amendement.
- C) Par ailleurs, pour bénéficier des dispositions de l’article 79.1 L.N.T., le salarié ne doit plus justifier de trois (3) mois de services continus et l’employeur est dorénavant tenu de rémunérer le salarié deux (2) jours d’absence au cours d’une même année. (amendement article 79.16 L.N.T.) (en vigueur le 1er janvier 2019)
Commentaire
Le législateur québécois a suivi les dispositions de l’Ontario dans l’Employment Standard Act; ie le paiement des deux (2) premiers jours.
Pour le Québec, il s’agit de droit nouveau et, particulièrement dans le cas d’absence en maladie, un coût qui peut s’avérer très important pour tout employeur.
Au moins, contrairement à l’Ontario où le législateur a prévu que l’employeur ne peut exiger une attestation médicale pour justifier une absence en maladie, le législateur québécois a simplement statué : «L’employeur peut demander au salarié, si les circonstances le justifient eu égard notamment à la durée de l’absence, de lui fournir un document attestant des motifs de cette absence.»
V – Élargissement de la notion de parent – article 79.6.1. L.N.T.
Il s’agit d’une nouvelle disposition dans laquelle le législateur inclut dans la notion de parent, la famille au complet du salarié, plus spécifiquement:
«En outre du conjoint du salarié, on entend par parent, l’enfant, le père, la mère, le frère, la sœur et les grands-parents du salarié ou de son conjoint ainsi que les conjoints de ces personnes, leurs enfants et les conjoints de leurs enfants.
Est de plus considéré comme parent d’un salarié pour l’application de ces articles:
Une personne ayant agi ou agissant comme famille d’accueil pour le salarié ou son conjoint;
- Un enfant pour lequel le salarié ou son conjoint a agi ou agit comme famille d’accueil;
- Le tuteur, le curateur ou la personne sous tutelle ou sous curatelle du salarié ou de son conjoint;
- La personne inapte ayant désigné le salarié ou son conjoint comme mandataire;
- Toute autre personne à l’égard de laquelle le salarié a droit à des prestations en vertu d’une loi pour l’aide et les soins qui lui procure en raison de son état de santé.»
Cette disposition a son importance relativement aux absences dorénavant permises pour un salarié lorsque sa présence est requise auprès d’un parent ou d’une personne pour laquelle le salarié agit comme proche aidant. (article 709.8 L.N.T.)
De plus, la durée d’une telle absence a été portée à seize (16) semaines sur une période de douze (12) mois (antérieurement douze (12) semaines).
De même, dans le cas d’une absence en raison d’une maladie grave, potentiellement mortelle, la durée de l’absence a été portée à vingt-sept (27) semaines dans une période de douze (12) mois (antérieurement douze (12) semaines).
Commentaire
Encore ici, ces amendements sont de nature sociale et l’impact en est un de temps non travaillé.
VI – Absence pour raisons familiales ou parentales – article 79.7 L.N.T.
- A) Le salarié peut s’absenter du travail pendant dix (10) jours par année pour remplir les obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou l’enfant de son conjoint ou en raison de l’état de santé d’un parent…
- B) Les deux (2) premières journées prises dans l’année doivent être payées par l’employeur. (en vigueur le 1er janvier 2019)
Commentaire
Encore ici, ce paiement des deux premières journées est de droit nouveau, mais, à mon avis, compte tenu des raisons de l’absence, l’impact monétaire pour les employeurs devrait être moindre que l’amendement visant les absences en maladie. Par ailleurs, le législateur québécois a maintenu que, pour bénéficier de ce droit des journées rémunérées, le salarié doit justifier trois (3) mois de services continus.
Enfin, l’employeur peut demander au salarié, si les circonstances le justifient, eu égard notamment à la durée de l’absence, de lui fournir un document attestant des motifs de cette absence. En bref, l’employeur n’est pas tenu de payer ces deux (2) journées d’absence sans poser quelque question.
VII – Congé de décès – article 80 L.N.T.
- A) L’absence d’un (1) jour payé dans les cas de décès prévus dans cet article est portée à deux (2) jours payés.
- B) Les quatre (4) jours supplémentaires non payés sont réduits à trois (3).
VIII – Congé pour naissance ou adoption – article 81.1 L.N.T.
Les deux (2) jours payés lors d’absence pour naissance ou adoption sont maintenus, mais il n’est plus nécessaire pour le salarié de justifier de soixante (60) jours de services continus. (En vigueur le 1er janvier 2019)
IX – Harcèlement psychologique – article 81.18 L.N.T.
Le législateur a jugé à propos de préciser que «Le harcèlement psychologique comprend une telle conduite lorsqu’elle se manifeste par de telles paroles, de tels actes ou de tels gestes à caractère sexuel.»
De plus, le législateur porte à deux (2) ans le délai pour déposer une plainte (antérieurement quatre-vingt-dix (90) jours) article 123.7 L.N.T.
Commentaire
Une telle précision était très probablement non nécessaire puisqu’il y avait unanimité en jurisprudence qu’une telle conduite à caractère sexuel pouvait constituer du harcèlement psychologique.
Le législateur a ajouté l’obligation de l’employeur de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique que devait être inclus «un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel».
Ce qui est plus troublant est le nouveau délai de deux (2) ans pour permettre le dépôt d’une plainte pour harcèlement psychologique.
Ceci s’inscrit probablement dans la vague du # moi aussi, mais je considère que ce principe a peu sinon pas d’application pour apprécier la responsabilité d’un employeur de s’assurer d’un milieu de travail exempt de telles conduites.
Afin d’y remédier, un employeur doit connaître dans les plus brefs délais toute conduite reprochable à un de ses employés et, en conséquence, être en mesure d’agir.
X – Régime de retraire – article 87.1 L.N.T.
L’article 87.1 a aussi été modifié par l’ajout par l’interdiction d’une distinction fondée uniquement sur une date d’embauche relativement à des régimes de retraite ou d’autres avantages sociaux qui affectent les salariés effectuant les mêmes tâches dans le même établissement.
Commentaire
À mon avis, cet amendement vise les régimes de retraites à prestations déterminées vis-à-vis les régimes de retraite à contributions.
Il appert qu’un employeur qui a un régime de retraite à prestations déterminées en place ne pourra plus offrir un nouveau régime de retraite à contributions pour ses nouveaux employés.
Ceci peut créer des problèmes majeurs au niveau des relations de travail si l’employeur doit contingenter les coûts du régime en place.
XI – Agence de placement de personnel et agence de recrutement de travailleurs étrangers temporaires – article 92.5 L.N.T. (nouveau)
Ces nouveaux amendements exigent d’une agence de placement de personnel de détenir un permis délivré par la Commission.
Tout employeur ne pourra retenir les services d’une telle agence si elle n’est pas titulaire dudit permis.
Enfin, l’agence de placement de personnel et l’entreprise cliente sont solidairement responsables des obligations pécuniaires à l’égard des salariés, par exemple le versement du salaire, indemnité de vacances, jours fériés, etc.
Commentaire
Quoi que cette nouvelle section dans la L.N.T. semble viser seulement les agences de personnel qui placent des travailleurs étrangers temporaires, l’amendement tel qu’écrit, à mon avis, vise toute agence de personnel.
Compte tenu de la responsabilité solidaire entre l’entreprise cliente et l’agence de placement de personnel, tout employeur doit être très prudent lorsqu’il retient les services d’une telle agence.
XII – Responsabilité d’un représentant, mandataire ou employé de l’employeur – article 142 L.N.T.
Antérieurement, pour qu’un dirigeant, administrateur ou employé d’une personne morale soit réputé à une infraction commise par la personne morale, il était nécessaire que le dirigeant, administrateur ou employé ait prescrit ou autorisé l’accomplissement de l’infraction ou y avoir consenti ou acquiescé.
Par l’amendement à l’article 142, le législateur québécois a rendu responsable le représentant, mandataire ou employé d’une personne morale ou d’une société de personnes ou d’une association non personnalisée, de toute infraction commise par la personne morale, société ou association, à moins que le représentant, mandataire ou employé établisse qu’il a fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration.
Commentaire
Il faut conclure qu’il y a maintenant présomption de responsabilité, à moins de preuve à l’effet contraire.
La présomption d’innocence existante jusqu’à ce jour est dorénavant renversée.